Santé des abeilles : le point sur les dernières recherches
Étudier les causes de mortalité des abeilles, identifier les pathogènes qui les affectent ou mieux prendre en compte l’effet des pesticides sur leur santé. Tous les deux ans, l’Agence organise une journée de rencontre sur les travaux de recherche, d’expertise et de surveillance menés sur les abeilles. L’occasion de faire le point sur divers travaux de recherche effectués par l’Agence sur cette thématique, en amont de la rencontre qui se déroulera demain.
L’Anses, et notamment le laboratoire de Sophia Antipolis, est reconnue au niveau national, européen et international pour son expertise sur la santé des abeilles. Ses travaux de recherche visent à mieux connaitre, détecter et remédier aux facteurs pouvant mettre en danger la santé des abeilles.
Poshbee, un projet européen sur les abeilles mellifères et sauvages
L’agence participe au projet européen Poshbee, dans lequel elle coordonne le volet sur l’exposition des abeilles aux produits chimiques et à différents pathogènes. Un des travaux en cours vise à identifier des pathogènes de l’abeille. « L’identification de pathogènes est une activité bien connue par le laboratoire de Sophia Antipolis, explique Marie-Pierre Chauzat, coordinatrice du volet. Ce qui est nouveau c’est que nous développons une technologie permettant d’identifier et de quantifier plus spécifiquement et plus rapidement, voire simultanément, onze pathogènes différents, qu’il s’agisse de virus, de bactéries ou de parasites. Ceci permet d’économiser du temps et du matériel. » Une autre particularité est que l’étude ne porte pas uniquement sur l’abeille mellifère, la plus couramment étudiée, mais également sur le bourdon et l’osmie, une abeille sauvage solitaire. « Nous voulons mettre en place des tests plus représentatifs de l’ensemble des pollinisateurs et savoir si les pathogènes et les parasites qui affectent les abeilles productrices de miel sont également présents chez les espèces sauvages. »
Se placer à l’échelle de l’abeille pour mesurer l’exposition aux pesticides
Autre aspect du projet Poshbee, l’exposition aux pesticides. Sur ce thème, on peut citer deux travaux. Le premier vise à concevoir des échantillonneurs passifs pour mesurer directement les pesticides présents dans la ruche. « Nous nous sommes associés à une équipe de l’unité mixte de recherche Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (EPOC), associant des chercheurs du CNRS et de l’Université de Bordeaux. Cette équipe avait déjà conçu des échantillonneurs pour mesurer les pesticides dans l’air ambiant extérieur. », indique Marie-Pierre Chauzat. Premier défi: miniaturiser suffisamment les échantillonneurs pour les faire rentrer dans les ruches. Deuxième défi : faire accepter ces outils par les abeilles, car ces insectes ont une fâcheuse tendance à enrober tout intrus avec de la propolis, ce qui rend l’échantillonneur inutilisable. Deux modèles ont été testés auprès d’apiculteurs, les résultats sont en cours d’analyse.
Toujours pour se rapprocher le plus possible de l’exposition réelle des abeilles aux pesticides, les scientifiques ont également développé une méthode pour analyser les produits chimiques contenus dans le nectar collecté par l’abeille. « On sait faire des analyses dans du miel, mais il s’agit d’un produit transformé par l’abeille, explique Marie-Pierre Chauzat. Par ailleurs, tous les pesticides ne s’y stockent pas de la même façon : certains sont hydrophobes et ne se mélangent pas au miel, qui contient beaucoup d’eau. » De même, on ne peut pas déduire le niveau d’exposition des abeilles de la quantité de pesticides épandu à proximité : les abeilles seront plus exposées si les cultures traitées sont attractives, comme du colza. Analyser le nectar rapporté à la ruche par les abeilles est donc un moyen plus précis de définir leur niveau d’exposition. L’équipe a donc développé une méthode consistant à faire régurgiter du nectar aux abeilles, comme elles le feraient en revenant à la colonie, puis à faire des analyses fiables sur des échantillons de quelques microlitres.
Des méthodes validées pour détecter les maladies
En tant que laboratoire de référence sur la santé des abeilles, le laboratoire de Sophia Antipolis a aussi pour mission de développer et de valider les méthodes d’identification des pathogènes infectant les abeilles. Il a ainsi publié une étude dans le Journal of Economic entomology sur une nouvelle méthode permettant l’identification de l’acarien du genre Tropilaelaps. Il existe quatre espèces de ce genre, dont deux parasitent l’abeille mellifère (Apis mellifera). « C’est un parasite exotique qui n’est pas encore présent en Europe mais qui pourrait arriver en France, comme le varroa il y a quelques dizaines d’années. », détaille Marie-Pierre Rivière, cheffe de l’unité de Pathologie de l’abeille. La surveillance de sa présence en Europe est donc primordiale, pour pouvoir mettre en place rapidement des mesures empêchant sa propagation. La méthode développée permet d’identifier l’espèce en une journée. Le laboratoire a également développé une méthode, basée sur le séquençage de génomes, pour suivre la propagation d’une épidémie de loque américaine, une maladie bactérienne mortelle pour les abeilles.
Le laboratoire est également garant de la bonne utilisation des méthodes et de la fiabilité des résultats des laboratoires officiels en charge des analyses. Il organise ainsi régulièrement des essais inter-laboratoires au niveau national et international. L’un d’eux, sur une méthode de diagnostic de la nosémose, une maladie parasitaire de l’abeille, a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Microbiological Methods. L’essai a non seulement permis d’harmoniser les résultats entre les laboratoires nationaux de référence de l’Union Européenne, mais également de confirmer la très forte fiabilité du test, qui fait partie des tests recommandés par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).