Des paysages bocagers pour favoriser la diversité végétale dans les champs cultivés
Dans les paysages bocagers, les haies qui bordent les champs cultivés rendent de nombreux services. Cependant elles sont souvent perçues comme des sources d’adventices, ces plantes sauvages généralement appelées « mauvaises herbes » et considérées comme indésirables. Des scientifiques d’INRAE, en partenariat avec des équipes de l’Anses, de l’Université de Rennes 1, du CNRS et, ont étudié les impacts des paysages bocagers sur les adventices. Leurs résultats parus dans Journal of Applied Ecology démontrent que les paysages bocagers favorisent la diversité en adventices, sans pour autant augmenter leur abondance dans les champs. Par leurs effets bénéfiques sur la flore, les haies pourraient donc favoriser la gestion durable des adventices et la conservation de la biodiversité dans les champs.
Dans les années 1950, la production agricole en France prend un tournant. Considérées comme une gêne pour les machines agricoles, et une source potentielle de bio-agresseurs (plantes adventices, insectes ravageurs…), les haies ont été largement détruites pour faire place à d’immenses champs de monoculture. Combiné à l’arrivée des produits phytosanitaires, ce modèle agricole intensif s’est avéré très productif. Aujourd'hui, il est remis en cause du fait de ses impacts négatifs sur la biodiversité et la santé, mais également sur la diversité de la flore adventice.
Les haies abritent une diversité de plantes sauvages susceptibles de se disperser dans les champs cultivés et d’augmenter ainsi l’abondance en adventices. Mais elles sont aussi reconnues pour influencer le microclimat, les paramètres du sol, le cycle de l'eau ou encore la biodiversité des champs cultivés. Grâce à elles, une plus forte hétérogénéité environnementale dans les paysages bocagers pourrait ainsi favoriser la diversité adventice, en permettant aux différentes espèces végétales de trouver les conditions écologiques nécessaires à leur développement. Pour le vérifier, des chercheurs du centre INRAE Bretagne-Normandie à Rennes, en collaboration avec leurs collègues du CNRS, de l’Université de Rennes 1 (UMR Ecosysteme biodiversité et Evolution (ECOBIO)) et du laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses ont évalué l’effet des paysages bocagers sur la flore adventice en observant leur dispersion dans les champs et en mesurant l’hétérogénéité environnementale.
Limitation du développement des « mauvaises herbes » les plus compétitives
L’équipe a échantillonné la flore adventice de 74 parcelles cultivées en agriculture conventionnelle et en agriculture biologique dans des paysages plus ou moins denses en haies. Leurs recherches ont montré que les paysages bocagers contenant des réseaux denses et complexes favorisent la diversité en adventices sans augmenter leur abondance et ce indépendamment du mode de production (conventionnel ou biologique). Ces observations s’expliquent vraisemblablement par l’augmentation de l’hétérogénéité environnementale dans les paysages bocagers. La diversification de la flore adventice permet de limiter le développement des « mauvaises herbes » les plus compétitives. En outre, elle peut favoriser la biodiversité et les fonctions écologiques associées telles que la pollinisation, le contrôle biologique des bio-agresseurs, ou la décomposition de la matière organique. Ces résultats ouvrent des voies prometteuses pour une gestion durable des adventices qui préserve la biodiversité dans les champs.
La préservation et la restauration des habitats semi-naturels sont primordiales pour réconcilier production agricole et conservation de la biodiversité. Les effets bénéfiques des haies sur la flore adventice constituent un argument supplémentaire en faveur de la réintroduction des arbres et des arbustes dans les paysages agricoles, en plus des nombreux services écosystémiques qu’ils fournissent, notamment la conservation de la biodiversité, la protection des sols et des eaux et le stockage de carbon